Qu’est-ce que le manuscrit LaraDansil ?
Il s’agit tout d’abord d’un objet matériel. Son papier, d’origine presque certainement terrestre, date de la fin du XVIIIème, ou peut-être du début du XIXème siècle.
Nous ne savons rien de son auteur, ni du lieu de son d’origine. La langue dans laquelle il fut rédigé nous indique en revanche clairement qu’il est lié de près à la planète Énantia, dont l’existence, depuis la soudaine apparition de Rem Érion dans l’océan Pacifique sud, est aujourd’hui reconnue de tous.
Les illustrations nous demeurent le plus souvent énigmatiques. Elles concernent pour beaucoup d’entre elles des lieux et des êtres situés ou issus de la Terre ; d’autres relèvent presque certainement des deux îles originairement appelées Lara et Béniel et qui pour finir devinrent Shukun et Dansil (selon le manuscrit, leurs noms ne cesse de se modifier à mesure que leur surface diminue), dont l’une au moins est située sur la planète Énantia ; pour quelques unes enfin, il est impossible d’identifier par simple examen les visages qui y figurent, de dire où se trouvent les bâtiments et les paysages qui y trouvent représentés.
Le manuscrit LaraDansil
Le manuscrit LaraDansil apparaît pour la première fois en 1886, à l’occasion de son achat par un colonel de l’armée des Indes, Gaspar Fitzhubert. La transaction eut lieu dans le bazar de Zahedan, actuelle capitale de la province iranienne du Sistan et Baluchestan ; le vendeur était un commerçant (ou plutôt un trafiquant) baloutche.
La compréhension du manuscrit LaraDansil serait sans doute demeurée à jamais lacunaire sans l’effet, aussi paradoxal que démesuré, qu’il exerça sur l’existence du colonel lui-même, puis de plusieurs de ses descendants, en relation avec un amas rocheux, aujourd’hui appelé Hanging Rock, situé en Australie près de la petite ville de Woodend, à soixante-dix kilomètres au nord ouest de Melbourne, dans l’État de Victoria.
Nous sommes quant à nous parvenus à la conclusion que cette formation volcanique recèle (ou recélait) ce que nous appelons un miza, c’est-à-dire un portail transdimensionnel qui s’ouvre (ou s’ouvrait) sur les îles de Lara et Béniel. C’est à Hanging Rock que disparurent, le 14 février 1900, Jenaveve McCraw, intendante et maîtresse du colonel Fitzhubert, puis le 14 février 1940, quarante ans jour pour jour après cette première disparition, Miranda, Marion et Irma Waybourne, trois de ses petites-filles. Irma fut retrouvée, après trois jours de recherches intensives, vivante mais amnésique ; nul en revanche n’entendit plus jamais parler des trois autres femmes. Il y a tout lieu de penser, si l’on en croit du moins le manuscrit LaraDansil, qu’elles furent dans un premier temps projetées sur l’île de Lara.
Hanging Rock
Les malheurs de la famille Fitzhubert ne s’arrêtent pas là : Michael, un autre petit-fils du colonel, joue lui aussi un rôle central dans l’histoire que nous présente le manuscrit LaraDansil. Il disparut quant à lui deux fois : la première en 1942, lors des combats qui se déroulèrent le long du Kokoda Trail en Nouvelle Guinée ; la seconde, qui fut définitive, en 1950, lorsqu’il s’évapora d’une cellule d’isolement de l’hôpital psychiatrique d’Adelaïde, institution dans laquelle il avait été interné après qu’on l’eut retrouvé, en 1944, mutique et hébété sur l’îlot désert de Starbuck. Mickael Fitzhubert, bien que ses disparitions ne soient pas directement liées au miza dont nous venons de parler, joue dans l’histoire que nous raconte le manuscrit un rôle au moins aussi important que les trois disparues de Hanging Rock.
Autant ou plus que du manuscrit LaraDansil, c’est donc du destin de la Maison Fitzhubert qu’il sera ici question.
Organisation et plan du site
Ce site, consacré au manuscrit LaraDansil ainsi qu’à la « lignée Fiztzhubert / Waybourne / Lumley », a pour ambition, non d’en percer tous les secrets (certains faits décisifs demeurent, et resteront sans doute définitivement hors de notre portée), mais d’en élucider les aspects les plus cruciaux.
On y trouvera :
1°) Une présentation aussi détaillée que possible de tout ce que nous savons du manuscrit lui-même.
2°) Un tableau synoptique des événements qui marquèrent le destin de la Maison Fitzhubert.
3°) Une présentation de la tapisserie Sucharys, réalisée entre 1948 et 1959 par Sara Fitzhubert-Waybourne, fille du colonel et mère de Miranda, Marion et Irma, les trois jeunes disparues de 1940.
La tapisserie Sucharys
On observe sur cette étrange tapisserie :
- dans le sud de l’océan Pacifique, l’île continent de Rem Érion, là précisément où elle allait apparaître quelques 70 ans plus tard ;
- dans sa région équatoriale, l’équivalent d’un planisphère détaillé de l’archipel planétaire d’Énantia (bien qu’à une échelle très significativement réduite !) ;
- dans sa partie nord, l’île de Lara telle qu’elle se trouve représentée au début du manuscrit LaraDansil.
Comment Sara Fitzhubert-Waybourne a-t-elle pu concevoir un tel ouvrage ? — Il s’agit d’une des deux énigmes que nous n’avons pas été en mesure de résoudre à notre entière satisfaction.
4°) Une étude de ce que nous savons de la langue et des systèmes d’écriture qu’utilise le manuscrit. Cette langue apparaît pour la première fois sur Terre à l’occasion d’événements qui se trouvent relatés dans deux livres de Théodore Flournoy, professeur de psychologie à l’université de Genève, et dont la principale protagoniste fut Élise Müller, plus connue sous son pseudonyme d’Hélène Smith, — une médium qui, entre 1894 et 1903, entra en contact avec les habitants de ce qu’elle crut être la planète Mars, et qui étaient en réalité originaires, nous en avons aujourd’hui la preuve, de l’archipel d’Espénié, situé sur la planète Énantia.
Énantia : le continent d’Énantidem et l’archipel d’Espénié
(On comparera cette carte avec le planisphère inclus dans la tapisserie Sucharys)
5°) Une étude des illustrations figurant dans le manuscrit, avec un certain nombre de considérations particulières concernant ses « vignettes », qui sont des cryptoglyphes, — une sorte d’écriture symbolique proche de celle employée par Andrea Berndt-Wieland dans son poème : Deux Mondes, ainsi que par Irma Waybourne et Ève de Poitiers dans leur recueil : EingAnjea, dans lequel se trouvent évoquées sept de leurs « vies parallèles ».
6°) Le manuscrit LaraDansil s’inscrit enfin dans un contexte plus vaste, qu’il convient d’explorer au mieux des connaissances dont nous disposons aujourd’hui.
Pour des raisons qui tiennent à la manière dont elle a été rédigée, cette étude est divisée en deux parties :
- Le site : Énantia, le manuscrit LaraDansil, fut d’abord publié, il y a bientôt dix ans, par Harald Langstrøm, mon prédécesseur dans le poste de conservateur d’Endetidsmuseet (le musée de la Fin des Temps) et Andenverdensmuseet (le musée d’un Autre Monde), qui se trouvent dans le quartier de Nørrebo à Copenhague, et qui s’intéressent de près à plusieurs aspects de la planète Énantia. On trouvera dans Contextes les données dont il disposait à cette date concernant le manuscrit LaraDansil, et dont la partie principale, qui lui est entièrement attribuable, concerne les mizaξ, ces portes transdimensionnelles qui relient la Terre à Énantia.
- Au cours de la dernière décennie, un certain nombre de données nouvelles sont cependant venues enrichir nos connaissances, et surtout, apporter une réponse à certaines des questions jusque là demeurées en suspens. Plutôt que de remanier de fond en comble ce qu’Harald Langstrøm avait si magistralement conçu, j’ai décidé de présenter à part ces données supplémentaires, dans une sorte d’épilogue intitulé : Éclairages.
Ce qu’il reste à dire
À vrai dire, l’histoire de la Maison Fitzhubert ne se limite pas à ce qu’on trouvera ici. Il aurait fallu, pour être tout à fait complet, aborder la question des œuvres réalisées par Irma Waybourne, la rescapée de Hanging Rock ; celle-ci rompit en 1947 avec sa famille, et quitta définitivement Martingale Manor, la grande maison construite par Gaspar Fitzhubert, pour se rendre à Melbourne, où elle enseigna, jusqu’à sa mort en 1991, dans différentes institutions privées de la grande métropole. Les œuvres qu’elle réalisa dans cette seconde partie de son existence se trouvent aujourd’hui réunies sous le titre générique de : Merriwollert, le temps du rêve.
Frontispice pour Merriwollert
Irma Waybourne fut en effet l’auteure, avec son amie Ève de Poitiers, de deux ouvrages majeurs : Merriblinte et EingAnjea. S’y ajoutent les fragments retrouvés d’une Huitième vie d’EingAnjea, qui devait initialement figurer dans EingAnjea ; et aussi : Pour toi, ma chérie, un court recueil de mandalas qu’Ève de Poitiers offrit à son amie le 14 février 1970, à l’occasion du trentième anniversaire de sa disparition à Hanging Rock.
Couverture de Pour toi ma chérie
Toute sa vie, Irma Waybourne fut tourmentée par l’ignorance dans laquelle elle était de ce qui lui était advenu pendant les trois jours de sa disparition loin du monde de la réalité ordinaire.
En 1953, elle fut sujette à des rêves obsessionnels, dans lesquels un certain Ninggalobin, ancien du clan Marinballuk-Boiberrit de la tribu Wurundjeri, qui vécut au milieu du XIXème siècle au pied de ce qui n’était pas encore Hanging Rock et s’appelait encore Merriblinte, lui demanda de coucher sur le papier quelle était pour les Aborigènes d’avant le temps de la colonisation britannique la nature et la signification de ce mont sacré.
Couverture de Merriblinte, 1953-1954,
qui fut rédigé par Irma Waybourne à partir de ses rêves obsessionnels
EingAnjea est quant à lui un recueil de sept « vies parallèles », élaboré au cours des décennies suivantes par Irma Waybourne et Ève de Poitiers. Dans cette œuvre à quatre mains, le devant de la scène est attribué à deux Esprits tutélaires issus du Temps du Rêve (DreamTime), ou Temps des Règles, de la mythologie aborigène : Eingana (liée à Irma) et Anjea (liée à Ève). Six de ces vies se réfèrent à des existences où les amantes se rencontrent en des lieux et des temps qui ne sont en rien reliés à l’Australie du XXème siècle, mais qui, de mystérieuse façon, communiquent avec le Temps du Rêve : toutes en effet se déroulent à proximité d’un « portail » ouvrant sur le Temps du Rêve, mais dont la structure présente quelques analogies avec ce que nous savons du fonctionnement des mizaξ.</p
Illustration de couverture pour la version française d’EingAnjea,
et la version anglaise d’AnjeiNgana
La septième « vie », dont le titre est : Sans substance absolument, se situe à Hanging Rock / Merriblinte, et décrit une situation ontologique que je qualifierai d’« onirique », et qui rappelle certaines expériences « proches de la mort », — situation dans laquelle Irma se serait trouvée plongée durant les trois jours de sa disparition. Dans ce carrefour entre les mondes, Eingana et Anjea (alias Irma et Ève), dans un état d’étrange coalescence, fusionnent en une unique entité psychique différenciée, appelée EinganAnjea, ou bien AngEingana.
EingAnjea : Sans substance absolument, une vie dans les limbes, page de titre
Irma Waybourne et Ève de Poitiers, on le voit, ont, en ce qui concerne les phénomènes liés aux disparitions de Hanging Rock, une approche tout à fait différente de celle du manuscrit LaraDansil, qui dans ses grandes lignes correspond à celle qu’Harald Langstrøm et moi-même avons adoptée. Considérant d’ailleurs que les œuvres des deux amantes forment un corpus tout à fait conséquent, il nous a semblé qu’il serait indiqué de présenter leur contribution, qui ne manque ni d’intérêt ni d’une certaine pertinence, comme un ensemble séparé.
Helena Stang
Conservatrice du musée de la Fin des Temps
et du musée d’un autre Monde, Nørrebro, Copenhague,
le 21 février 2040





















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